Alexandrine Maurice

de Sherif Awad

Alexandrine Maurice


-Bonjour à tous, ravie de vous rencontrer ! Je m’appelle Alexandrine Maurice. Je suis née en 1990 dans l’Est de la France. Je suis atteinte d’une pathologie génétique nommée « amyotrophie spinale ». Celle-ci a provoqué chez moi beaucoup de choses. Mais pour ne pas trop vous ennuyer, je vous dirai que, principalement, je n’ai presque pas de force musculaire (je ne peux donc ni marcher, ni utiliser pleinement mes bras) et j’ai également de gros problèmes respiratoires (ce qui explique ma trachéotomie). Si cela vous intéresse, je vous invite toutefois à aller vous renseigner davantage !

Mes parents m’ont toujours considéré comme n’importe quel enfant. Ils étaient cependant presque les seuls. J’ai été harcelée tout le long de ma scolarité. Que ce soit par les autres enfants, leurs parents, et les professeurs eux-mêmes. Cela m’a poussée à tout arrêter très jeune, car mon moral ne suivait plus. Comment aurait-il pu, puisque seul mon handicap préoccupait les gens ? Et quand je dis « préoccupais », ce n’était pas par bienveillance. Ma seule présence dérangeait, alors qu’il n’y avait besoin de rien de particulier pour que je puisse suivre une scolarité classique à cette époque (j’avais un tout petit fauteuil roulant, pas de trachéotomie et je me débrouillais seule pour suivre le cours et prendre des notes, etc.).

Au bout de quelques mois de dépression suite à cet échec, j’ai commencé à réaliser que je m’étais créé des univers fictifs pour m’évader dans des moments difficiles (comme à l’hôpital par exemple). J’ai pensé que ce serait une bonne idée de partager tous ces mondes et ai décidé de me lancer dans l’écriture suite à ça.

Malheureusement pour moi, je n’ai pas reçu beaucoup de soutien. Seule ma sœur cadette m’encourageait. Pour le reste du monde, j’étais « Complètement stupide ! », « Tu es handicapée, tu n’as pas de diplôme, tu ne peux rien faire de ta vie ! », « Écrire ? Mais tu n’as rien de plus inutile à faire ? Et comme si quelqu’un comme toi allait y arriver ! ». Ce fût très dur pour moi. Mais j’ai tout fait pour ne pas trop y prêter attention. Car je savais que c’était ce que je voulais vraiment faire.

En parallèle, en 2015, j’ai rencontré sur Internet le designer japonais Takafumi Tsuruta de la marque Tenbo. Il était très intéressé par le style que je portais sur mes quelques photos, et m’a proposé de participer à la Tokyo Collection de cette année en tant que mannequin.

Ce fût très compliqué pour moi d’y parvenir, car il fallait me dépêcher et qu’aucune aide n’est proposée pour les personnes en situation de handicap désirant se déplacer, surtout à l’étranger. En effet, il y a beaucoup de formalités, et rien n’est fait pour vous faciliter la tâche.

J’y suis toutefois parvenue grâce à l’aide de mes parents. Depuis, je poursuis dans ce domaine, car j’ai réalisé que, comme tout ce qui est artistique, c’est un des meilleurs moyens de communiquer un message. J’espère pouvoir continuer à exercer et à percer dans ces secteurs d’activités.

-Une chose importante à savoir sur moi est que je suis une grande fan du Japon depuis très jeune, haha ! J’ai toujours adoré les anime (séries animées japonaises). Mon plus grand modèle de l’époque était évidemment Sailor Moon et ses ami(e)s. J’en regardais beaucoup d’autres : Saint Seiya, Rose of Versailles, Hokuto no Ken, etc. Je n’ai jamais cessé d’en visionner depuis lors, et ma liste de modèles s’est beaucoup agrandi, haha. De ce fait, une de mes grandes « stars » de l’époque était évidemment Dorothée. Bien entendu, durant l’adolescence, sont apparus Pokémon, Digimon, Yu-Gi-Oh!, et bien d’autres. Vous faire une liste détaillée serait affreusement long! Vers 14 ans, j’ai commencé à beaucoup m’intéresser à Harry Potter. J’en suis toujours très fan, même si j’avoue sans soucis que la fin m’a beaucoup déçue. En termes de cinéma, je suis plus intéressée par les films fantaisies et/ou de super héros. Les grands classiques bien sûr chez Marvel, DC Comics, etc. Mais aussi des œuvres tels que Hunger Games par exemple. Je ne suis toutefois absolument pas fermée à d’autres genre ! Ma DVD-thèque est plutôt variée, car parfois certains films attirent mon attention, même s’ils ne font pas partis de mes préférences. Puisque je viens de les évoquer, j’ai toujours été une très grande fan de Batman (j’ai commencé avec la série animée de 92) et les X-Men (que j’ai découvert avec X-Men Evolution). J’aimerai beaucoup qu’un jour, une personne en situation de handicap finisse en couple avec un des personnages principaux de films de super héros (n’importe lequel, ce sera très bien !). Je pense que cela aiderait énormément de personnes à s’accepter, et à promouvoir la diversité, puisque ces œuvres sont très grands publics.

Alexandrine Maurice

-D’un point de vue totalement personnel, je ne pense pas que des études puissent vraiment aider dans ce domaine. Bien sûr, vous pouvez apprendre les bases : comment dessiner pour réaliser des patrons en vue de créer des vêtements, des mouvements pour faire une chorégraphies, le comportement à avoir pour défiler ou réciter des textes, etc. Bref, aucun domaine précis, mais des bases qui peuvent être utiles. Toutefois, à mes yeux, avoir « ce qu’il faut » pour évoluer en tant qu’artiste ne s’apprend pas à l’école. C’est la vie de tous les jours, le fait de rêver, de s’intéresser à différentes choses qui permettent d’y parvenir. Attention, je n’encourage personne à abandonner ou à ne même pas tenter les études (que ce soit artistique ou autre) ! Je tiens juste à ce que vous vous posiez la question, si cela semble approprié à votre parcours. Personnellement, je ne connaissais pas grand-chose au domaine de la mode. Mais d’y avoir été propulsée, d’avoir laissée une chance à ce milieu, de m’y être intéressée, m’a permis de me développer et de poursuivre dans cette activité. Ce n’est pas grave si vous pensez que vous n’avez pas de « talents » innés. Si quelque chose vous passionne vraiment, vous y arriverez! Mais n’oubliez pas qu’être artistes demande beaucoup de disciplines sur certains points et de ce fait n’est pas forcément adapté à tous. La célébrité et la fortune ne sont ni sûres, ni les seules choses qui puissent vous arriver. Soyez prudents par rapport à tout ce que vous voyez ou entendez à ce sujet!

-Tout dépend de ce que vous entendez par « célébrité », haha! Bien sûr, j’aimerai pouvoir atteindre mes buts dans les domaines artistiques. Pour moi-même déjà. Nous sommes tous humains, nous possédons tous des désirs, et réaliser nos rêves fait partie de notre vie, notre personnalité. Certains pensent que leurs rêves vont leur permettre de prendre leur revanche sur un passé douloureux, sur des mots horribles qu’ils ont pu entendre et qui leur ont fait énormément de mal. J’espère juste que ces personnes ne s’oublient pas eux-mêmes dans ce processus. Mais je souhaite atteindre la « célébrité » afin de promouvoir davantage la diversité, la tolérance, l’acceptation des autres. Et je ne parle pas uniquement de handicap. Je trouve cela triste que, encore aujourd’hui, beaucoup de gens trouvent ça parfaitement normal de faire du mal à d’autres personnes (physiquement comme moralement), simplement car celles-ci ont quelque chose qui les différencient, qui ne leur plaisent pas, etc. J’estime que, tant qu’on ne fait de mal à personne, chacun a le droit de vivre comme il l’entend et de faire ce qui lui plaît. Je défends plusieurs causes en plus de « la mienne », et j’espère que beaucoup d’autres personnes trouveront des causes à défendre qui leur tiennent à cœur. 

-Je pense, malheureusement, une grande majorité de personnes fait face à ce type de problème, et particulièrement dans le domaine artistique. Vous êtes un homme, une femme, autre chose, vous êtes LGBTQ+, en situation de handicap, blanc, noir, tricolore, petit, grand, maigre, rond, vous avez un style particulier, vous n’en avez pas, vous êtes  terrien, kryptonien, vous aurez toujours quelqu’un pour vous dire que vous ne pouvez pas exercer la profession qui vous tient à cœur. Eh oui, « Non de Zeus Marty ! », nous sommes en 2020, et pourtant rien n’a vraiment changé. On prône l’égalité, la diversité d’un côté, sans jamais (ou quasiment pas) les mettre en pratique. Mais c’est justement pour cela que j’espère pouvoir encourager les gens à simplement réaliser leurs rêves, sans se soucier de l’avis des autres vis-à-vis de qui ils sont. Je ne vois pas pourquoi certaines personnes n’auraient pas le droit d’avoir la profession qu’ils désirent s’ils sont en mesure de l’exercer. Il y a encore beaucoup de travail pour faire évoluer le regard du monde. Mais si nous sommes plusieurs à nous y atteler, nous finirons par y arriver !

-La crise du COVID-19 a grandement ébranlé ce domaine. Premièrement, car aucune aide financière n’a été donnée aux acteurs de ces milieux qui doivent se débrouiller par eux-mêmes pour le moment. Les émissions de télévision ont dû se réadapter. Certaines ne permettent plus à un public d’assister aux enregistrements. La majorité a mis en place les mesures de distanciation sociales réglementaires, qui malheureusement retire le côté humain et relationnel dans les programmes de témoignages par exemple. Les cinémas viennent à peine de rouvrir, avec heureusement des règles un peu moins drastiques. Mais les salles ne peuvent plus être remplies à 100%. Pour les théâtres, c’est encore différent. Ils n’ont pas encore eu le droit de rouvrir et ne savent pas quand ils pourront le faire. Mais le pire est pour tout ce qui relève du domaine de la nuit, comme les discothèques. Nous avons encore moins pensé à eux qu’à tous les autres. Ils sont toujours fermés. Beaucoup vont devoir mettre la clé sous la porte par manque d’aide. J’espère sincèrement que nous trouverons les bonnes solutions pour aider toutes ces personnes, car derrière un travail (artistique ou non), il y a des gens bien réels et leur vies. D’une manière plus générale, le domaine artistique en France est assez particulier. Nous connaissons les séries et les films aux tons bien spécifiques de notre pays. J’avoue que depuis quelques années, une forme de diversité est apparue dans ceux-ci. Pas encore suffisamment à mon goût, mais c’est sur la bonne voie. Je regrette simplement que, dans encore une grande majorité des cas, les personnages en situation de handicap soient incarnés par des personne ne l’étant pas dans la vie réelle (je parle bien évidemment de séries ou de films en prise de vues réelles, et non pas des voix de doublages pour tout ce qui est animé). Et avant qu’on ne me fasse la réflexion, oui, il existe énormément de personnes malades, en situation de handicap, désirant percer dans ces domaines. Il suffit juste de chercher un peu. La véritable inclusion commence par là à mes yeux. On pourrait me dire : « Ça permet de laisser penser à n’importe qui peut être en situation de handicap ! ». C’est une idée. Mais à mes yeux, ça pousse davantage les gens à penser que « évidemment, les vraies personnes en situation de handicap, elles ne peuvent pas être acteurs/actrices », ou quoi que ce soit d’autre dans l’artistique. Pour l’instant, il est triste de constater que dans le domaine de la mode en France, les choses restent en grande majorité telles qu’elles l’ont toujours été. Je connais plusieurs mannequins en situation de handicap ou défendant des causes importantes faisant partie de marques plus ou moins connues. Mais seulement à l’étranger (à ma connaissance en tout cas). J’espère vraiment pouvoir représenter mon pays dans celui-ci ou ailleurs, avec des marques qui lui sont caractéristiques (et quand je dis « moi », je ne pense bien évidemment pas qu’à moi-même).

– Pour les nouveaux projets, cela dépend des travaux en questions: En termes d’écriture, je préfère toujours tout noter à la moindre idée que je peux avoir. Il n’y a rien de pire pour moi que d’oublier une chose à laquelle j’ai pensé (et malheureusement, ça m’est déjà arrivé). Mais lorsqu’il s’agit de rédiger les textes en détails, je préfère prendre mon temps. Le syndrome de la page blanche n’est jamais bien loin, et je pense que se forcer à écrire dans ces moments-là n’est pas une bonne idée. Il vaut mieux écrire lorsqu’on se sent inspiré(e) d’après moi. Cela nous évite d’avoir un résultat médiocre. Pour le mannequinat, c’est encore différent. Avant un défilé, je me dis que de toute façon, je suis là, que je vais devoir le faire et que ça ne sert à rien de s’angoisser, car ça ne va pas changer la situation. Autant rester calme et faire de son mieux… quitte à paniquer, mais une fois que ce soit passé, haha ! Lorsque je dois réaliser des photos pour des collaborations, ou simplement pour en partager sur mes réseaux sociaux, j’essaye de réfléchir pendant un bon moment avant de les faire. J’essaye de penser à ce qui serait le mieux en termes de vêtements, d’accessoires, de maquillages, de coiffures, d’arrière-plan, etc. Je veux toujours rester un minimum propre à mon style (Visual Kei, J-Rock, Gothique), tout en continuant à essayer d’innover, de mélanger différents univers.

-J’en ai plusieurs projets, haha ! Dernièrement, plusieurs soucis familiaux me sont tombés dessus les uns après les autres, retardant tous mes projets. J’espère pouvoir reprendre le cours de ceux-ci bientôt, dans les meilleures conditions. Tout d’abord, je souhaite enfin pouvoir publier un de mes écrits (que ce soit en jeu Visual Novel, en roman graphique, en manga, en comics, en trivid, etc.). Après toutes ces années, je crois que le temps est plus que venu. Vous vous doutez bien que je ne peux pas dessiner moi-même, et c’est ce qui m’a toujours retardée le plus dans ce projet. J’aimerai enfin pouvoir trouver un(e) collaborateur/collaboratrice impliqué(e). Je n’ai pas l’intention d’abandonner le domaine de la mode. Je souhaite être en contact des marques qui seraient intéressées par mon profil en tant que mannequin. J’ai également commencé il y a 3 ans à réaliser des croquis de tenues que j’avais en tête (qu’on a eu la gentillesse de me dessiner). Cela me plairait beaucoup de pouvoir les proposer. Bien sûr, j’attends le bon moment, mais je veux vraiment pouvoir continuer à voyager ! Retourner au Japon, évidemment, mais pas seulement. Beaucoup de pays m’intéressent. J’aimerai sincèrement pouvoir m’y rendre, que ce soit en tant que touriste, ou pour un voyage professionnel. Je n’exclue absolument pas de commencer dans d’autres domaines artistiques. C’est évident qu’il faudra d’abord voir si je suis douée pour ceux-ci, haha. Mais je suis déterminée à découvrir et à me diversifier.

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